FAITS ÉPIQUES DU XIXE SIÈCLE
AU CŒUR DE NOS CONTES FORESTIERS
Dans l’essaim industrieux des maîtres et pilotes au long cours qui font route sur leurs radeaux géants, la tradition du radelage se perpétue au-delà d’un siècle. Leurs prouesses maritimes à bord de ces étranges îles flottantes restent bien vivaces dans les récits d’Honoré Beaugrand qui côtoie dans sa jeunesse trois chantiers navals.
L’ANCRE LITTÉRAIRE DE BEAUGRAND
Originaire de Lanoraie enraciné sur le fleuve, Honoré Beaugrand (1848-1906) déploie son imagination sur les rivages du Saint-Laurent où la nouvelle de son 175e anniversaire de naissance est saluée. Buriné par un vécu fertile en aventures et en tribulations, cet éminent libre-penseur nous lègue une forêt d’écrits, d’articles, de journaux qui portent une vision naviguant au-delà des frontières géographiques, politiques et religieuses consacrées.
L’homme de lettres signe maints récits dont La Chasse-galerie popularisée dans La Patrie (1891), The Century Magazine (1892), Almanach du peuple illustré (1893, 1927), Le Monde illustré (1901) et remis en scène dans son recueil de contes éponyme Légendes canadiennes (1900). Issu de l’oralité, ce mythe enchâssé à l’ère proto-industrielle du bois équarri offre un cadre réaliste troublé par une manœuvre fantastique de bûcherons — aussi sauteux de cages — pour voyager bon train, par les airs, vers leur blonde. Encordé à la superstition du diable, le voyage surnaturel en chasse-galerie se calque typiquement sur le parcours des cages connu en ce temps-là. Cinquante lieues courues en six heures grâce à une formule cabalistique, alors qu’il en prend autrement plus d’un mois vers 1823 !
Archives du Musée des Cageux
AU PAYS DES RAFTSMEN
Les dimensions démesurées des trains de bois carré, près de 500 mètres de long sur 60 mètres de large, frappent les esprits. Beaugrand dans son roman Jeanne la fileuse (1878), dépeint la vie des hommes-de-cages : « Six mois s’écoulèrent ainsi au milieu des rudes travaux de la forêt. Le printemps arriva et avec lui les dégels et la descente des bois et les voyageurs se rendirent à Québec, pour conduire leur cage à destination ». En 1874, « l’hiver a été magnifique pour la coupe, mais malheureusement la fonte des neiges est arrivée trop tôt et nous nous voyons dans l’impossibilité de sortir les bois ce qui nous causera un retard considérable avant de pouvoir encager. » Cette rocade dans le récit beaugrandien démontre la quête du vraisemblable où les cageux se manifestent tout naturellement.
Débarquons maintenant sur les rives de cette autre historiette, Le Père Louison. Ancien cageux, l’ermite couve un tempérament volcanique qui éclate en éruption inattendue. Le lac Saint-Pierre devient la toile de fond où son embarcation est retrouvée, sans âme, sur cet abîme funeste proverbial des cageux.
Archives du Musée des Cageux
HISSER LES VOILES CULTURELLES
S’arrimant à notre traité (380 p.) qui valorise le vaste réseau fluvial du Québec, https://urlz.fr/jFvB, les 125 députés de l’Assemblée nationale ont honoré la mémoire de ces marins atypiques. Résolution tout aussi importante, l’UNESCO a reconnu le radelage comme patrimoine immatériel de l’humanité, https://urlz.fr/k4RG.
Port d’attache incontournable de l’ère homérique des raftsmen, la Maison des Cageux du fleuve Saint-Laurent à Lanoraie habite son expertise dans ce siècle d’exception (1806-1914). Par-devant son portique s’élève la sculpture massive en pin blanc ciselée spécialement à l’image d’Honoré Beaugrand pour célébrer son 175e. Ce haut-relief historié englobe trois de ses récits notoires : La chasse-galerie, La bête à grand’ queue et Le loup-garou. Flanqué à ses côtés, un géant ulyssien de bois incarne le maître de cage Jos Montferrand (1802-1864), estampillant son talon à la voûte du ciel. À quelques pas de là, la reconstitution historique d’un radeau en pin équarri, Le Saint-Laurent, vous livrera aussi ses secrets de fabrication.
Archives du Musée des Cageux
Isabelle Regout et Alexandre Pampalon
MAISON DES CAGEUX DU FLEUVE SAINT-LAURENT
www.maisondescageux.com
Musée des Cageux